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L’IA dans la recherche d’antibiotiques hybrides

Trouver de nouveaux médicaments pour lutter contre la résistance aux antibiotiques, c’est ce sur quoi portent les recherches d’une étudiante au doctorat en physique à l’Université Concordia. Portrait de Vrinda Nair, qui mise sur l’intelligence artificiell

Leïla Jolin-Dahel Collaboration spéciale

Si elle a entamé son doctorat en janvier 2021, ce n’est qu’en septembre de la même année qu’elle a pu quitter Bombay, en Inde, pour venir étudier en présentiel. Celle qui a obtenu un baccalauréat en technologie et une maîtrise en biotechnologies dans son pays natal s’est tournée vers la physique pour tenter de créer des antibiotiques hybrides inédits.

Les bactéries sont de plus en plus résistantes aux antibiotiques actuellement sur le marché, explique Mme Nair. « Nous devons en trouver des nouveaux. C’est une menace sanitaire mondiale pour l’avenir », souligne-t-elle. Ses travaux sont d’ailleurs financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada ainsi que les chaires de recherche du Canada et de l’Université Concordia.

À partir de modèles d’apprentissage profond, la doctorante tente de déterminer quelles molécules pourraient servir à l’élaboration de nouveaux traitements. « L’algorithme est essentiellement inspiré de la façon dont notre cerveau pense. Je prends des millions de molécules de médicaments dans une base de données. J’entraîne mes ordinateurs pour voir lesquelles d’entre elles ont une propriété similaire aux antibiotiques sur le marché », explique-t-elle.

La chercheuse espère ensuite pouvoir réunir deux molécules sous une forme hybride afin de créer un antibiotique plus efficace que ceux actuellement prescrits. « Il est possible que certains médicaments utilisés pour traiter une autre maladie puissent avoir une propriété similaire à un antibiotique déjà connu. Nous pouvons alors former un traitement hybride et obtenir un nouvel antibiotique plus puissant », illustre Mme Nair.

Un équilibre entre les arts et les sciences

Celle qui menait au départ des recherches sur le cancer du poumon était déjà intéressée à la conception de nouveaux médicaments. C’est en assistant à une conférence sur les antibiotiques qu’elle a décidé d’en savoir plus et d’orienter ses études en ce sens. Son projet actuel marie donc la physique et la biologie.

Mais Vrinda Nair ne se contente pas de mélanger les disciplines et les concepts seulement dans sa vie scolaire. La chercheuse a pris une pause de quelques années entre sa maîtrise et son doctorat pour s’adonner à d’autres passions artistiques. « Je voulais écrire et peindre à nouveau. C’est durant cette période que j’ai compris que je pouvais combiner les arts et les sciences », se souvient-elle. Elle a ainsi fait publier deux recueils de poésie et un livre de croissance personnelle.

La doctorante estime que son art l’aide d’ailleurs à mieux vulgariser ses travaux académiques auprès du grand public. « Il y a 10 ou 15 ans, expliquer mes recherches était un problème. Maintenant, je sais comment analyser et décortiquer un concept de manière simple pour que tout le monde puisse comprendre », illustre-t-elle.

C’est une façon pour elle de trouver une harmonie entre ses différents champs d’intérêt. « Je suis quelqu’un qui pense beaucoup », raconte celle pour qui faire plusieurs activités lui permet d’arrêter de « trop penser ». « Je considère vraiment la science et mes autres passions comme un tout pour un bon équilibre travail/vie personnelle », ajoute-t-elle.

Malgré son emploi du temps occupé, Vrinda Nair soutient également plusieurs causes en faisant notamment du bénévolat dans différentes organisations féministes et environnementales. Elle encourage, entre autres, la présence des femmes en sciences, technologies, génie et mathématiques en faisant du mentorat à l’Académie des sciences de New York. À l’Université Concordia, elle s’implique en tant qu’« ambassadrice du développement durable », en plus de prendre part à l’initiative Zero Waste Concordia.

Le fruit de ses différents travaux a d’ailleurs été récompensé en 2015. Cette année-là, Mme Nair a obtenu le prix Jeune chercheuse pour son projet de thèse de baccalauréat sur la fabrication de biocolorants à partir de matières naturelles. Un concept qu’elle a entièrement développé depuis le début sur les façons d’extraire un pigment de couleur rouge, le lycopène, notamment présent dans les tomates et les melons d’eau, pour l’utiliser en tant que colorant non toxique dans les bioplastiques. Cette distinction lui a donné un élan pour ses travaux actuels. « Quand vous commencez en recherche et que vous recevez un prix, vous vous sentez encouragé pour continuer et poursuivre d’autres recherches. »

RELÈVE EN RECHERCHE

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2022-10-22T07:00:00.0000000Z

2022-10-22T07:00:00.0000000Z

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